Les registres de BOUTIERS commencent en l’année 1600. Peu de communes en possèdent d’aussi anciens. Ils sont conservés dans les différentes archives civiles et religieuses. Mais pourquoi Boutiers St Trojan ? Autrefois, il y avait bien deux paroisses et deux communes distinctes. C’est un décret sous Napoléon III du 29 novembre 1858 qui les a réunies.
Cette unification ne s’est pas faite sans heurts… Et bien que tout cela date maintenant de plus de 150 ans, des rivalités subsistent encore de nos jours. On peut synthétiser la cause de ce litige par une union voulue par les Boutierois mais pas les Trojanais. En effet, lors de ce rapprochement décrété par les communes de Boutiers et St Trojan (et même St Brice au début…), la logique aurait voulu que ce soit St Trojan qui soit le centre de cette nouvelle municipalité. Elle est située à mi chemin des deux autres, et surtout, elle possédait alors une école, une mairie et une église… Et rien de tout cela à Boutiers ! Cependant, Boutiers comptait plus d’habitants, une superficie au sol plus importante, et aussi une ruralité moins prononcée… Contraint et forcé, St Trojan dût abandonner son école, sa mairie, sa cure… Les frais générés pour la construction de ces nouveaux bâtiments à Boutiers furent supportés par tous, y compris les habitants de St Trojan… On comprend mieux alors les rancoeurs des villageois de St Trojan !
L’origine du nom de Boutiers viendrait des moines de St Antoine installés au début du 2ème millénaire (pendant 500 ans) à la Commanderie des Templiers (bâtisse dont il ne reste plus rien d’apparent, situé entre l’église de Boutiers et le chemin de Routreau, car elle fût détruite par des soldats protestants vers 1565). Ils étaient venus pour y soigner les habitants de la région atteints d’une épidémie venue de la maladie de l’ergot de seigle : le « mal des ardents » (nos pauvres paysans se nourrissaient surtout de pain de seigle). C’était une sorte de peste donnant la fièvre accompagnée de gangrène.
Ces moines qui venaient à l’origine d’un massif montagneux du Dauphiné appelé : « Les Boutières », l’auraient baptisé ainsi ! Tout ceci date d’avant le moyen âge …

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L’histoire retient la date du lundi 29 novembre 1858 comme étant celle d’un choix délibéré et d’une volonté commune d’unir Saint-Trojan à Boutiers. La réalité est tout autre, car la réunion fut assez mal vécue par la population de Saint-Trojan arc- boutée sur son passé, et pourtant cette résolution était inéluctable. Pourquoi et comment en est-on arrivé à cette idée d’union ?

Historiquement en vertu du droit seigneurial, Saint-Trojan était lié jusqu’à la période révolutionnaire à Saint-Brice. Puis, le 15 février 1792, le Directoire de Cognac enjoint aux communes de Boutiers et de Saint- Trojan de constituer une compagnie (milice). Cette première collaboration est suivie le 19 décembre 1797 par la poursuite d’un rapprochement ayant pour exigence des raisons administratives, sécuritaires et bien évidemment financières.

« Nous soussignés agent municipal de la commune de Cognac, considérant que le peu d’étendue de la commune donne lieu aux inconvénients les plus graves …. Il est impossible aux agents des autres communes, souvent placés à l’extrémité et dans le fond des hameaux, d’y maintenir une police exacte, que c’est souvent dans les cabarets que se forment les complots …. Il serait combien avantageux pour la commune de Cognac d’acquérir une augmentation de citoyens et de territoire et de centraliser davantage l’action de la police. Le canton est composé de 16 communes, toutes petites, ne représentant pas plus de 10 000 âmes. Plus près des marchés des eaux-de-vie et du corps administratif. Voici la circonscription nouvelle qui convient. Ceci est à voir avec l’administration centrale du département, pour être présenté au corps législatif et converti en loi…. Communes anciennes : Boutiers, Saint-Trojean et Saint-Brice. Communes telles qu’elles seront après la réunion : le chef-lieu sera Saint-Trojean avec une population de 1 032 habitants….

Etienne-Emile Albert, maire de Cognac ».

L’intercommunalité actuelle n’est donc pas une idée nouvelle, les élites cognaçaises en avaient projeté les bases. Saint-Trojan devint ainsi la succursale de Boutiers et de Saint-Brice du point de vue scolaire et religieux. Notons aussi que pour des raisons budgétaires un garde-champêtre commun est nommé en février 1815.

En 1843, la préfecture d’Angoulême soumet aux municipalités de Boutiers et de Saint-Trojan une proposition de réunion :

« Le conseil municipal et les baux aimpozé de Boutiers réunie aux lieux ordinaire, ayant prise connaissance de la lettre de monsieur le sous-préfet dattée du vingt cinq avril dernié relativement aux projet de réunion proposé par monsieur le préfet, de la commune de Saint Trojean à celle de Boutier. Le conseil municipal et les plus haux impozé ont aixaminés quil pouraient avoir mézainteligeance entre les habitant des deux communes quand concaiquance que nous déziront de rester dans notre état actuel. Fait et délibéré a la mairie de Bouder an céance.

Daniaud, Moyet, Roturier, Moyet ainé, Cormenier, Cormenier fils, L. Chambaud, Doublet, Texier, Roi, Tondut » (14 mai 1843).

Puis, le 24 juillet suivant c’est au tour du sous-préfet d’établir un constat :

« Vu les lettres de monsieur le Préfet, en date des 6,19 et 24 avril dernier, qui prescrivent de faire instruire divers projets de réunion de commune au nombre desquels se trouve celui de la réunion de Saint-Trojan à Boutiers.

  • vu le plan des deux communes,
  • vu la délibération de Boutiers, qui refuse la réunion,
  • vu la délibération de Saint-Trojan, qui l’a refusé également, – vu l’enquête faite à Boutiers, qui contient 60 déclarations contre le projet,
  • vu l’enquête faite à Saint-Trojan, qui contient 33 déclarations contre le projet,

considérant que ces deux communes sont chacune dans l’impossibilité de satisfaire aux obligations que leur impose la loi du 28 juin 1833 sur l’instruction primaire qu’elles n’ont qu’un instituteur, que par suite de leur réunion à celle de Saint-Brice,

considérant que leur résistance ne s’appuie sur aucun motif réellement valable, et qu’elle n’est fondée que sur le désir de voter chacune une commune indépendance, mais que ce désir doit céder devant les besoins de l’administration qui a le plus grand intérêt à faire cesser la circonscription communale trop restreinte,

considérant que cette réunion ne froisse aucun intérêt et qu’elle existe déjà en ce qui concerne le culte et les dépenses de l’instruction primaire.

Vu les articles 1,2,3 et 4 d ela loi du 18 juillet 1837, est d’avis, que la réunion de la commune de Saint-Trojan à celle de Boutiers soit prononcée.

Fait à la sous-préfecture de Cognac – Le sous-préfet Dupuy, officier de la légion d’honneur ».

Si les autorités compétentes font pression, sur le terrain les élus et habitants campent sur leurs positions. Néanmoins le concept va suivre son cours car les administrations ne renoncent pas facilement à leur dessein. On revint donc à la charge sous le Second Empire, et Boutiers se laisse finalement infléchir : « 19 février 1857 – Le conseil municipal et les plus hauts imposés de la commune étant réunis sous la présidence de monsieur le maire pour la session ordinaire et suivant la circulaire de monsieur le sous-préfet du 6 février 1857 et voyant les avantages concernant la réunion pour les habitants des deux communes et après avoir mûrement réfléchi, ont été unanimement d’avis que Saint-Trojan soit réuni à Boutiers.

Pierre Girard, Jean Godichaud, Charles-Brice Carré, Nicolas Moyet, Henri martin et Jean- Baptiste Cormenier, Louis Chambaud,, le comte Demontiers de Mérinville ».

Suite à cette prise de position favorable, il reste « simplement » à obtenir l’avis de Saint-Trojan. Mais comme on peut si attendre la réponse des Trojanais est sans ambiguïté :

« 24 février 1857 – Le conseil municipal et les hauts imposés délibérant d’un commun accord… Ne serait pas d’avis de réunion à la commune de Boutiers, qui promièrement est dépourvu du tout ce qui convient à l’administration tant municipalle que pour le culte, tandis que la commune de Saint-Trojan possède une maison curialle, une église, une chambre commune, si toutefois l’administration supérieure tient à la réunion, l’administration municipalle de Saint-Trojan ne veut point se mettre en contradiction avec l’administration supérieure, mais elle ne consent point à la réunion de la commune de Saint-Trojan à Boutiers, prenant en considération que cette réunion occasionnerait de nouvelle dépance, tandis que la réunion à Saint-Trojan n’occasionnerait aucune dépance, vue que nous possédons tout ce qui nous est nécessaire pour l’administration municipalle et du culte a qui déjà Boutiers se trouve réuny pour l’instruction primaire. Nous prions l’administration de prendre les intérêts des commune en grande considération car elle ne sont pas pourvu de grand revenue.

Léon Roy, Louis Gétraud, Pierre Pelletier, Pierre Larue, adjoint, Pierre Arraudeaud, Charles Roy, Louis Artaud, Jacques Michaud, Louis Robinaud et J. Roy, André Guitton, Pierre Guélin, J. Joussan ».

L’étape suivante consiste à procéder le 10 janvier 1858 à une enquête dite de « commodo et incommodo » (*).

Ainsi, c’est par voie d’affichage dans les deux communes que les habitants sont informés et appelés à se prononcer en faveur ou non du rattachement et d’exprimer leur choix quant aux avantages et inconvénients d’une telle entreprise.

(*) Enquête faite au préalable par l’administration avant prise de certaines décisions.

L’enquête s’ouvre au secrétariat des mairies du 15 janvier au 14 février de 10 heures le matin à 5 heures du soir. Le résultat est le suivant :

Pour Boutiers 58 personnes (uniquement les chefs de famille) adoptent à l’unanimité (moins 3) le projet « j’adhère complètement au projet de réunir Saint-Trojan à notre commune ».

Pour Saint-Trojan 26 personnes rejettent à l’unanimité (moins 2) le projet « Je m’oppose à la réunion projetée parce qu’elle ne présente aucun intérêt pour notre commune ».

De février à mai les échanges entre les autorités et les deux municipalités sont âpres. Saint-Trojan semble accepter le projet mais souhaite que ce soit Boutiers qui s’unisse à Saint-Trojan et non pas l’inverse. Finalement, Saint-Trojan sans arguments convaincants, se soumet à contre cœur au projet. La municipalité tient son dernier conseil le 14 mai 1858.

Le sous-préfet entérine la décision le 16 juillet :

« Vu les circulaires ministérielles des 29 janvier et 29 août 1849 sur la nécessité de supprimer les petites communes et vu qu’il est très difficile de rencontrer en cette commune (Saint-Trojan) un homme capable d’exercer les fonctions de maire, que le maire actuel est domicilié à Cognac et que par conséquent il ne peut surveiller les intérêts de cette commune.

Considérant que la commune de Boutiers n’a point d’église, de maison d’école, de mairie, que son cimetière est supprimé attendu son exiguïté, que ses ressources en proportion de son importance vis à vis Saint-Trojean sont plus élevées et que la fusion des deux communes aura pour résultat de balancer les recettes ordinaires avec les dépenses de même nature.

Considérant que le cimetière de Saint-Trojean est supprimé depuis fort longtemps comme se trouvant placé dans l’enceinte du bourg, que dès lors la réunion une fois faite, la nouvelle commune se procurer les ressources nécessaires pour faire l’acquisition d’un terrain propre à cet usage.

Considérant que les communes de Saint-Trojean et de Boutiers sont annexées pour le culte à Saint- Brice, que Saint-Trojean possède une église en bon état, un presbytère, une maison d’école où se réunissent les enfants de ces trois communes réunies pour le culte comme pour l’instruction et qu’il résulte de l’état statistique produit à l’appui de ce dossier que la réunion a de sérieur avantages tant pour les habitants que pour l’administration.

Considérant que les communications entre Saint-Trojean et Boutiers sont des plus faciles au moyen d’un chemin vicinal parfaitement entretenu, que ces communes n’ont aucun droit d eparcours ou d’usages locaux l’un sur l’autre et que le périmètre de la nouvelle commune de Boutiers sera plus régulier.

Considérant que les oppositions faites par les habitants de Saint-Trojean sont guidées par l’instinct de la conservation de leur indépendance vis à vis de Boutiers et qu’elles sont dénuées de tout caractère sérieux.

Considérant que l’instruction de l’affaire fait ressortir l’opportunité de la réunion.

Sommes d’avis

Que la commune de Saint-Trojean soit réunie à celle de Boutiers sous le nom de BOUTIERS SAINT-TROJEAN et que le chef-lieu de la nouvelle commune soit fixé à Boutiers ».

Un tableau donnant la description du nombre d’habitants, de la superficie et des revenus de chaque commune est établi le 4 septembre.

Saint-Trojean : Étendue du territoire : 278,12 hectares ; Population : 187 ; Revenus : 900 frs ; Dépenses : 1090 frs.

Boutiers : Étendue du territoire : 496,75 hectares ; Population : 509 ; Revenus : 1376 frs ; Dépenses : 1600 frs

Boutiers Saint-Trojean : Étendue du territoire : 704,87 hectares ; Population : 696 ; Revenus : 2076 frs ; Dépenses : 2200 frs.

Le 13 août 1858, un accord de principe est donné par le directeur des contributions directes d’Angoulême, puis le 25 août c’est le Conseil Général du département qui valide.

Enfin, le 29 novembre 1858 c’est le ministère de l’Intérieur qui clôt l’affaire :

« Fait au Palais de Compiègne le 29 novembre 1858,

Napoléon, par la grâce de Dieu et la volonté nationale Empereur des Français,

A tous présent et à venir, salut, sur le rapport de notre ministre secrétaire d’État au département de l’Intérieur, vu les délibérations en date des 19 janvier et 14 mars 1858, par lesquelles le conseil municipal de la commune de Bouthiers (Charente) assisté des plus hauts imposés approuve le projet de réunion des communes de Bouthiers et de Saint-Trojan,

vu les délibérations des 24 février et 14 mars 1858 par lesquelles le conseil municipal de Saint- Trojan, s’oppose à la réunion projetée,

vu l’état certifié par le Préfet du département de la Charente, duquel il résulte que la commune de Saint-Trojan n’a que 187 habitants,

vu l’avis du Conseil Général de la Charente en date du 25 août 1858, tendant à la réunion des deux communes de Bouthiers et de Saint-Trojan, vu la loi du 18 juillet 1837,

la section de l’Intérieur, de l’instruction publique et des cultes de notre Conseil d’État entendue, avons décrété et décrétons ce qui suit :

Article 1er

Les communes de Bouthiers et de Saint-Trojan, canton de Cognac, arrondissement de Cognac, département de la Charente, sont réunies en une seule commune, dont le chef-lieu est fixé à Bouthiers et qui prendra le nom de Bouthiers-Saint-Trojan.

Article 2

Les communes réunies continueront à jouir comme sections de communes de tous les droits d’usage ou autres qui peuvent être respectivement acquis.

Delangle, ministre secrétaire d’État au département de l’Intérieur ».

Une nouvelle municipalité tenant compte du regroupement est nommée en février 1859. Une page était définitivement tournée, une nouvelle histoire allait commencer.

Texte de M. Patrick HURAUX, historien local.

Robert Richard, maire de Boutiers Saint-Trojan s’exprimait ainsi dans une lettre le 2 avril 2009 : « Là où des regroupements s’opèrent, les « mariages » connaissent souvent un « rodage » délicat tant chacun reste attaché à son identité. …. Dans cette fusion, il y a de tout, du sérieux, du drôle et de l’attachant. Aujourd’hui, nous nous efforçons de ne pas oublier que Boutiers Saint-Trojan c’est la résultante de la fusion de deux liens indépendants mais aussi de deux cultures. C’est fait de manière sympathique mais Saint-Trojan est sensible à l’expression de son identité, c’est bien ainsi, il est plus riche d’être deux que d’être seul ».

Décret de fusion de 1858
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